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Nicolas :
Non mais c'est juste pour le format radiophonique. C'est-à-dire que ce sera un format oral. Je vais devoir rendre compte de mes entretiens à l'écrit, mais le rendu, la façon dont je le présenterai, ce sera hébergé sur internet sous forme de podcast.
Sébastien :
Non mais c'est pour vous dire qu'il y a une émission spécial vélo et je connais l'animateur donc si vous voulez.
Nicolas :
Ok d'accord, je ne l'ai pas écouté. J'ai vu que c'était du 13, c'était lundi, c'est ça ?
Sébastien :
C'est ça oui !
Nicolas :
Je ne sais pas si vous savez, mais en 2020 la métropole européenne de Lille est la capitale mondiale du design.
Sébastien :
Alors non, ça, c'était sur France Inter ? C'était un débat, le débat de midi là. Je ne connaissais pas cette émission, j'ai découvert avec cette dernière édition parce que ça parlait de vélo urbain. Non, c'est une émission, alors je ne sais plus comment ça s'appelle, je ne l'écoute pas régulièrement, mais en tout cas, je sais que ça existe, c'est plutôt Île de France, c'est France bleue et je crois que c'est « en roue libre » ou quelque chose comme ça.
Nicolas :
En roue libre, sur France bleue ? Je regarderai !
Sébastien :
Avec l'animateur, on se suit sur Twitter. On a déjà discuté, donc à mon avis, il y a moyen de... Si ça vous tente !?
Nicolas :
Si ça colle avec le sujet, pourquoi pas !
Sébastien :
Parce que c'est toujours Parisiano-parisien donc peut être que ça peu les intéresser d'avoir une émission un peu plus...
Nicolas :
Après moi, je m’intéresse en l’occurrence à la métropole lilloise...
Sébastien :
Non, c'est ça, mais du coup ça peut permettre de diversifier un peu leur...
Nicolas :
Donc je vous ai présenté un peu ma démarche et ma première question elle coule de source. Qu'est-ce que vous pouvez me dire à propos du rétropédalage, qu'est ce que vous avez envie de me dire, qu'est ce que ça évoque pour vous le rétropédalage ?
Sébastien :
Alors, c'est marrant parce que moi, j'étais plutôt défavorable à ce mode de freinage. J'étais aussi influencé par une idée générale en France, qui veut que le rétropédalage soit un peu « rétro », un peu vieux. Enfaîte, je l'ai redécouvert dernièrement en équipant mes enfants de vélos que j'ai particulièrement choisis aux Pays-Bas. Parce que je me disais, je n'aimais pas du tout les modèles de vélo proposés en France qui n'étaient pas adaptés selon moi à une conduite confortable. Les enfants ont toujours l'air de crapauds sur leurs vélos, pas bien agencés, pas bien positionnés. Pour moi, ces vélos ont tendance à ne pas être adaptés pour apprendre dans de bonnes conditions. Surtout l'idée, c'était dès le plus jeune âge, d'inciter les enfants de se déplacer à vélo en ville. À mes côtés, toujours. D'ailleurs, je précise à mes côtés, parce qu'en France, on a une culture qui est complètement perdue de ce point de vue là. On a complètement laissé de côté le déplacement à vélo de l'enfant parce qu'on trouve que c'est dangereux, qu'il faut amener les enfants dans de bonnes conditions de sécurité et bien souvent les gens les amène en voitures. Ce qui provoque l'intérêt de plus en plus fort pour la voiture parce que les gens ont peur de laisser leurs enfants parce qu'il y a de plus en plus de voitures, ce qui crée un cercle vicieux. Du coup, ma volonté, c'était que dès le plus jeune âge, les enfants puissent découvrir le vélo comme moyen de déplacement. On les a portés très tôt sur des sièges avant pour qu'ils s’adaptent à cet environnement, qu'ils se sentent en confiance. C'est là que je voulais insister sur le fait que souvent les parents ont tendance à ne pas trop savoir comment se positionner par rapport à l'enfant. Ils ont tendance à soit se mettre devant, ce qui est plutôt une mauvaise chose parce que nous, on a eu le cas d'accident grave ou des camions, par exemple, en tournant à droite ont vu l'adulte qu'ils l'ont laissés passer, mais ils n'ont pas vu l'enfant qu'ils ont écrasés. Des choses assez dramatiques contre lesquelles on peut facilement lutter à partir du moment où on se met en condition. Ou on n'hésite pas, par contre, à mettre en difficulté les automobilistes parce que l'on prend plus de place, c'est l'idée de se mettre à côté de l'enfant. Non pas prendre la largeur d'une voiture, mais d'une demi-voiture, on va dire. En tout cas, d'inciter les voitures à bien se distancier quand elles dépassent les cyclistes. Ça permet de mettre l'enfant en confiance, de le récupérer s'il y a un souci, de le pousser de temps en temps parce qu'il y a des endroits où c'est un petit peu plus dur. Et puis surtout d'inciter les automobilistes à se dégager et vraiment à protéger l'enfant parce que là, pour le coup, il ne peut rien lui arriver à part la question des portières. Là, c'est plus compliqué parce que l'enfant a du mal à estimer la distance. Tant qu'il n'y a pas concrètement une portière qui s'ouvre, il ne sait pas trop à quoi s'attendre et donc c'est à nous de prendre un peu plus de place pour qu'il soit écarté des voitures.Quand j'ai cherché un vélo qui puisse correspondre à ces attentes-là, je me suis tourné vers les Pays-Bas, parce que je suis d'origine hollandaise comme je le disais et je sais que là-bas, je vois les enfants circuler à vélo et ils ont l'air comme des poissons dans l'eau. Pour moi, c'était aussi une question de matériel qui jouait. Quand on a commencé à chercher des vélos, on s'est rendu compte que tous les vélos étaient équipés en rétropédalage aux Pays-Bas et donc on a pris ça, un peu par défaut parce qu'on n'avait pas d'autres possibilités. Souvent, il y a un frein avant à poignée, mais par contre à l'arrière c'est rétropédalage. Parfois, il n'y a pas de freins avant parce qu'aux Pays-Bas, ce n'est pas obligatoire, il n'y a que le frein arrière qui est obligatoire. En France, il faut avoir le frein avant et arrière, c'est dans le code de la route, pas aux Pays-Bas. On s'est équipé avec ça et les enfants ont appris avec ça. Ils n'ont jamais posé de problème par rapport au positionnement du pied au démarrage qui est parfois un peu compliqué parce qu'il faut que le pied soit levé. Et puis, quand on est à l’arrêt, il n'y a pas de roue libre, on ne peut pas faire aller les pédales comme on veut, il faut faire bouger la roue. Mais les enfants ils ont très bien appris avec ça, ils ont pris l'habitude de remettre la pédale, sans que je leur dise. Dernièrement, ma fille qui à maintenant douze ans, qui roule très bien à vélo, qui pourrait très certainement proposer des cours de vélo école pour adulte tellement elle se débrouille bien. Enfin, elle a les réflexes, elle arrive à éviter, elle zig-zag entre les obstacles, etc... Elle s'est vraiment bien adaptée. Elle m'a annoncée, il y a très peu de temps, qu'elle n'aime pas du tout quand il y a des interventions en classe. Quand on leur prête des vélos parce qu'il n'y a pas de rétropédalage et elle ne se sent pas à l'aise sur des vélos sans rétropédalage. C'est devenu à un point ou finalement, c'est devenu à l'inverse de ce que je pensais, au contraire du frein à main qui semble aller de soi et bien le rétropédalage est très adapté à ces jeunes âges parce qu'il permet tout de suite d'avoir une pression forte. Déjà, on arrête de pédaler, enfin, on ne pédale plus pour freiner. Pour les enfants, la coordination des gestes n'est pas évidente, jusqu'à sept, huit ans c'est très compliqué. Ce sont des calculs qui se passent au niveau du cerveau qui ne sont pas évident. On ne s'en rend pas compte en tant qu'adulte, mais c'est beaucoup de travail cognitif. Le fait d'être obligé de pédaler en arrière, ça veut dire qu'on ne pédale plus en avant, parce qu'il y a des enfants qui continuent de pédaler alors qu'ils freinent, et ça ne facilite pas le freinage. On a beaucoup plus de force dans les pieds que dans les mains. Chercher la poignée ce n'est pas toujours évident, elle n'est pas toujours bien adaptée au niveau de la distance par rapport à la petite taille des mains. Souvent, ce n'est même pas adapté au niveau puissance, pour donner une puissance suffisante pour freiner. C'était le mode de freinage idéal et je me suis moi-même équipé par la suite à vélo à rétropédalage.
Nicolas :
C'est le Cortina qui est devant ?
Sébastien :
C'est ça, donc un vélo hollandais, avec quand même un frein avant. Bizarrement, je l'ai acheté aux Pays-Bas, je pense qu'il a été rajouté parce qu'on voit que la fixation du frein avant n'est pas intégré. Parfois sur la fourche avant, il y a un système qui permet d'intégrer le câble à la fourche. Là il n'y est pas, donc à mon avis ça a été rajouté par la suite. Mais je l'ai laissé parce que de toute façon, c'est obligatoire en France.
Nicolas :
Oui tant qu’à faire !
Sébastien :
Oui tant qu'à faire, je l'ai laissé même si c'est un peu moins esthétique.
Nicolas :
Pourquoi vous avez décidé de vous y mettre ?
Sébastien :
J'ai choisi le vélo parce qu'il me plaisait et il était équipé d'un rétropédalage et je me suis rendu compte que ça allait très bien. J'ai d'autres vélos, un Brompton, un pliant pour les déplacements en transport en commun, j'ai un biporteur pour le transport des enfants quand ils étaient petits, mais on l'a gardé pour les grosses courses. Malgré que ce soit un biporteur hollandais, ce sont deux freins à main, enfin à levier. La transition entre les deux vélos étaient compliquées au début. Quand on a l'habitude du rétropédalage, on a tendance à mettre un coup de pédale en arrière, mais il ne se passe rien. C'est quelques millisecondes, mais c'est toujours un peu inconfortable.
Nicolas :
Le temps de s'adapter.
Sébastien :
C'est ça, mais c'est tout.
Nicolas :
Est ce que vous conduisez différemment en fonction des types de freinage ?
Sébastien :
Non, pas nécessairement. Au début, j'étais moins à l'aise avec le rétropédalage, j'avais l'impression que c'était moins réactif. Je me disais d’ailleurs que c'était développé aux Pays-Bas parce qu'ils avaient des aménagements séparés et qu'ils ont moins besoin d'être réactifs par rapport au freinage des voitures. Mais en fait non, je trouve que l'on a beaucoup plus de puissance, c'est un coup à prendre. Il faut toujours partir du pied qui est en hauteur, c'est un jonglage en fonction de la situation. Mais finalement, ça s'utilise très facilement et sans aucun problème.
Nicolas :
Il y a peut-être un an ou quelque chose comme ça, nous avons cherché un vélo pour ma copine et donc la question du vélo le plus adapté. Nous sommes allés chez cyclable à Paris. Les gars étaient biens parce qu'ils nous avaient bien conseillés. Ils avaient pris le temps. Un des mecs nous disait quelque chose qui n'est pas faux. Il disait que le problème du rétropédalage à Paris, c'est que, quand tu es arrêté au milieu d'un carrefour et qu'il faut repartir si tu n'as pas bien placé tes pieds, ça peut occasionner des situations difficiles. Finalement, qu'on ne peut pas apprendre à utiliser le rétropédalage à Paris. Ça revient à dire que c'est possible parce que les aménagements aux Pays-Bas ou au Danemark sont quand même propice. Je sais qu'au Danemark rien que sur le passage de feux, c'est adapté.
Sébastien :
De par mes origines, j'ai pas mal pratiqué aux Pays-Bas. C'est vrai qu'il y a des situations dans lesquelles je n'étais pas à l'aise. Beaucoup moins qu'en France évidemment, parce que c'est beaucoup plus pensé pour la circulation à vélo. Mais je pense qu'on peut se retrouver aussi dans des situations ou le freinage joue. Je pense que c'est une question d'habitude. Parce qu'en France, le frein à levier est beaucoup plus développé, c'est cette question du vélo sportif qui est très présente en France et qui influe beaucoup sur les caractéristiques des vélos utilisés dans la vie de tous les jours.
Nicolas :
On parle de cyclisme et c'est pour ça que moi, j'ai bien insisté, l'objet de mon mail, c'est la pratique du vélo, ce n'est pas le cyclisme parce qu'en effet, ce que je peux dire des entretiens que j'ai déjà eu, ce qui me marque déjà, c'est qu'il y a un point de vue très loisirs..
Sébastien :
C'est ça très sportif oui.
Nicolas :
Oui ou loisir ou sportif, mais au final assez peu considéré comme moyen de transport au quotidien.
Sébastien :
C'est ce qui nous a permis d'avoir cette superbe loi pour le port obligatoire du casque pour les moins de douze ans. Je trouve ça déplorable. C'est vraiment un mauvais signal pour l'apprentissage du vélo parce que ça veut dire que le vélo, c'est dangereux. (Le téléphone sonne.). En plus, c'était complètement infondé puisque la mesure a été prise alors qu'il n'y avait rien qui disait que les enfants étaient plus pris dans des cas d'accidents que d'autres. D'ailleurs, ce sont plutôt les personnes âgées. Mais c'est beaucoup plus facile de faire passer une loi de ce type en parlant des enfants, alors que la plupart le portent déjà. En France, on a tendance à casquer les vélos parce qu'on fait cette confusion des modes. Finalement, on ne se pose pas de question quand un pilote de formule 1 porte un casque ou un pilote de rallye. En revanche, ça nous paraîtrait complètement incongru de voir un automobiliste en voiture personnelle porter un casque, alors que la plupart des traumatismes crâniens sont constatés sur les passagers des voitures, plus qu'à pied ou à vélo.
Nicolas :
Pas les mêmes vitesses !
Sébastien :
Oui, pas les mêmes vitesses. On a l'impression que cet habitacle nous protège alors que parfois, c'est le contraire, ça peut être un piège. Donc, ça a été beaucoup plus facile de faire passer cette règle, parce qu'on confond encore le vélo sportif et le vélo loisir et le vélo utilitaire. On a l'impression que c'est dangereux et qu'il faut forcément porter un casque parce qu'on confond les deux pratiques. Peut-être que le freinage, c'est aussi une de ces questions, parce qu'on n'imagine pas un vélo de course avec un rétropédalage.
Nicolas :
Trop lourd ! De mon côté, c'est l'un des arguments que l'on m'a donnés. J'en parlais avec Andréas de Lafraise Cycles, un fabricant de vélo sur-mesure à Roubaix. Il me disait que le freinage par rétropédalage est pratique en ville, que c'est hyper robuste, mais par contre, c'est lourd et dès que l'on veut faire du vélo de course, ce n'est pas adapté.
Sébastien :
Il faut alléger au maximum.
Nicolas :
C'était aussi intéressant de se rendre compte qu'il y avait des typologies de vélos différents pour des usages. J'aimerais bien recueillir un peu plus votre témoignage sur comment ça se passe au Pays-Bas. La question qui m’intéresse, c'est le fait de se dire, en l’occurrence au Danemark, les cyclistes sont prioritaires sur les piétons. Ça pose la question de jusqu’où on va. Est ce que ce n'est pas trop que de dire, les cyclistes sont prioritaires ? Est qu'il y a pas une hiérarchie à faire ?
Sébastien :
Nous clairement, c'est ce que l'on défend enfin au niveau de l'association. Moi, je le défends aussi parce que pour moi, le piéton doit être mis en avant et mis au-dessus de tous en terme de vulnérabilité.
Après, il ne s'agit pas d'opposer les modes, ce qu'ont beaucoup tendance à faire parfois des collectivités. Elles se disent, on ne va pas privilégier le vélo parce qu'on va perdre des piétons, on va perdre la marche. Quand on regarde les Enquêtes Ménages Déplacements, qui est la photographie des modes que choisissent les différentes personnes, on voit qu'on se déplace tous différemment en fonction des endroits où on va, en fonction des situations, etc.. C'est vrai que le biais, c'est de penser qu'à partir du moment où on va privilégier les vélos, ça va se faire au détriment des piétons. Alors c'est vrai pour une partie d'entre eux, parce qu'à partir du moment où on développe des aménagements cyclables, les piétons vont plus se déplacer à vélo pour des distances un peu plus longue, mais on va aussi faciliter le non-recours à la voiture. En tout cas, empêcher le recours à la voiture pour des distances qui ne permettraient pas de le faire à pied, parce qu'on peut le faire à vélo. Pour moi, il ne faut vraiment pas opposer les modes et au contraire les pensées globalement en tout cas ces deux-là, les mettre en avant de manière concertée. Je ne suis pas opposé non plus, à ce que ne fait pas du tout le Danemark, ce que fait peut-être déjà plus les Pays-Bas, aux aménagements partagés entre piétons et cyclistes. Parce que pour moi, il y a quand même pas mal de choses qui nous permettent d'avoir des espaces beaucoup plus confortables à partir du moment où c'est partagé. En revanche, la question qui se pose, c'est la question de la priorité dans les traversées ou le vélo reste encore bien souvent considéré comme ne devant pas avoir la priorité, notamment sur la voiture, alors que le piéton l'a. On se retrouve dans des situations ou sur un même passage le piéton et le cycliste passe au même endroit et le piéton va être prioritaire parce qu'il a un passage piéton et le cycliste ne va pas l'être parce qu'il n'a pas de passage marqué, il se retrouve à devoir s’arrêter devant une voiture. Ça provoque des situations un peu incompréhensibles. D'autant plus pour l'automobiliste qui ne sait souvent pas qu'elle est la règle du code de la route parce que ça évolue pas mal et qu'il n'y a pas forcément de rappel qui sont faits et les gens sont toujours un peu dans ce doute et ont tendance à laisser passer les vélos alors que réglementairement, ils ont la priorité. Ça, c'est pareil, c'est quelque chose qui nous, au sein de l'association, nous paraîtrait important de clarifier. Mais clairement, il faut que le piéton reste prioritaire, pour nous, c'est évident parce qu'il va moins vite, parce qu'il est plus vulnérable. Plus vulnérable qu'un vélo, non pas forcément.
Nicolas :
Moi ça me paraît aussi assez logique.
Sébastien :
Mais je découvre que le cycliste était prioritaire sur le piéton, je ne savais pas que c'était le cas au Danemark. Parce qu'au Pays-Bas, ce n'est pas le cas.
Nicolas :
À Copenhague, si c'est le cas. Mais ce n'est pas légiféré.
Sébastien :
Ah d'accord, c'est plus sur le comportement ! Parce que je sais que j'ai déjà eu l'occasion de visiter des villes des Pays-Bas avec des Français et c'est très dur pour eux de s'imaginer que ça, c'est un aménagement cyclable, ce n'est pas pour les piétons. Ils sont toujours un peu blessés dans leur amour propre d'avoir été sonnés par une sonnette parce qu'ils n'étaient pas au bon endroit. Ce n'est pas mal vécu par les Néerlandais. Ça les énerve quand ils voient un attroupement de gens, ils sonnent et puis ils se rendent compte que les gens parlent une langue étrangère et qu'ils n'ont pas fait attention parce qu'ils étaient touristes et qu'ils étaient un peu les yeux en l'air. Mais légalement, ce n'est pas le cas.
Nicolas :
La sonnette aux Pays-Bas, c'est pour prévenir, ce n'est pas pour montrer son mécontentement, comme on use d'un klaxon dans une voiture. Je ne vais pas dire que c'est culturel parce que ça ne veut rien dire, mais c'est dû à l'environnement qui fait que pour les Néerlandais, ce n'est pas une réprimande, c'est de la prévention. Rien que le fait que ce tout petit objet soit déjà perçu comme une manière différente ou de signaler ou de réprimander, ça dit déjà énormément de chose.
Sébastien :
Oui, je ne sais pas. Parce qu'en France, souvent, les gens reprochent aux cyclistes de ne pas se signaler. De mon côté par exemple, quand je suis sur un aménagement partagé du type voie verte ou un trottoirs assez large où on peut circuler à la fois à pied et à vélo et qu'il y a des piétons devant moi, je ne vais pas sonner, je vais essayer de les éviter au maximum, je vais ralentir, j’estime que je peux ralentir, je vais perdre quelques micros secondes, ça va peut-être me faire perdre un petit peu d’énergie, parce qu'il faut redémarrer le vélo et qu'un redémarrage de vélo, c'est physique. Après, si c'est un piéton qui arrive subitement et qu'il faut que je le prévienne, je vais peut-être utiliser la sonnette, mais ce sera vraiment en dernier recours, parce que je trouve ça désagréable. Enfin moi, je me mets à la place du piéton, j'imagine une sonnette derrière moi, je vais avoir tendance tout de suite à me retourner de manière un petit peu vive en me disant : « Mince, il y a un danger, il faut que je me pousse. » Souvent, on a ce retour de piétons qui disent : « Oui, les vélos ne signalent pas quand ils arrivent ». Après, il y a des cyclistes qui font n'importe quoi, qui foncent dans le tas et qui sonnent au dernier moment en arrivant. Pour moi, ça, c'est vraiment la dernière chose à faire. En revanche, se signaler en amont de l'arrivée sur le groupe, j'ai du mal à l'imaginer. Après, il y a des gens qui le demandent. Moi la sonnette, je l'utilise quand il y a une voiture garée sur un aménagement cyclable. C'est plus dans ces situations-là ! Mais c'est vrai que quand il y a moyen d'échanger physiquement, avec un regard, avec un sourire ou avec des expressions du visage je préfère ça plutôt que d'utiliser la sonnette ! Vraiment la sonnette pour moi c'est plus dans les situations où je suis en interaction avec les automobilistes. J'ai une sonnette ding dong, une grosse sonnette qui était déjà sur le vélo. Je ne pense pas que j'en aurais mis une spécialement, mais c'est vrai que c'est assez confortable parce qu'on a deux petits coups de doigt à mettre et ça fait tout de suite un beau son qui interpelle. Mais je ne l'utilise vraiment jamais pour les piétons. Pour le coup-là, le but, c'est d'être audible. Mon vélo vient des Pays-Bas, je l'ai acheté d'occasion à La Haye et l'utilisateur l'utilisait a priori dans ses déplacements et il avait aussi besoin d'une sonnette assez audible donc j'imagine. Je ne sais pas dans quel cadre, il l'utilisait, mais si c'était pour les piétons, je trouve ça un peu trop violent.
Nicolas :
Je me doute que vous avez pas mal de combats sur des aménagements urbains...
Sébastien :
Oui, c'est le gros de notre travail !
Nicolas :
J'aurais passé un mois ici et je ne me serais déplacé qu'en vélo. C'était logique au maximum de le faire et j'ai été un peu surpris. Je peux vous donner mon point de vue sur le grand boulevard ?! Comment le dire ! Je trouve que l’aménagement est un peu ni-fait, ni à faire. Je suis choqué quand je vois un mètre cinquante de pistes cyclables et dix-huit mètres de largeur pour les voitures.
Sébastien :
On a un peu plus, on doit être à deux mètres voir deux mètres cinquante. Il y a peut-être quelques endroits où on doit être à deux mètres minimum.
Nicolas :
Sur la Madeleine en tout cas.
Sébastien :
Il y a une partie avec les lampadaires, on doit être passé à un mètre cinquante parce que les lampadaires ont été posés carrément sur la piste, ce qui est déplorable.
Nicolas :
Et puis, on ne parle pas des Platanes.
Sébastien :
Oui avec les racines.
Nicolas :
Oui, ça donne vraiment l'impression que ça a été fait sans grande conviction. J'aimerais bien avoir votre point de vue sur les aménagements cyclables à Lille, et même dans la métropole. Sur ce qui est en train d'être fait, parce que j'ai l'impression qu'il se passe quand même des choses que ce soit bien ou pas bien, ça, c'est, en effet, discutable et pour terminer, sur les ambitions de Lille et de la métropole de Lille par rapport au vélo et à son utilisation en tant transport quotidien ?
Sébastien :
Sur la piste du grand boulevard, c'est une piste historique. Je crois que c'est la première piste de cette longueur nationale, elle a été faite au début du 20ème siècle. C'était déjà la demande du lobby cycliste de l'époque qui était plutôt fortuné parce qu'au début du 20ème siècle, ce sont plutôt les riches qui se déplaçaient à vélo. Parce que jusque dans les années 1930, un vélo c'était plusieurs mois de salaires pour un ouvrier. Cette piste, le lobby cycliste est parvenu à la maintenir. Ça a toujours été sujet à beaucoup de convoitise ce grand boulevard. Parce qu'il y a le tramway qui passe dessus, il y avait les pistes pour chevaux, tout un panel d'usagers qui l'utilisaient. Elle a été conservée, c'est déjà pas trop mal vu ce qu'on a traversé comme période politique ou on a complètement oublié le vélo et les aménagements cyclables ont disparu les uns après les autres. Parce qu'on avait un vrai réseau. On est en relation avec un historien de l'économie des transports qui s'est intéressé à l'histoire des transports, Frédérique Héran. Il a écrit Le retour de la Bicyclette publié en 2014, qui est un très beau livre sur toute cette histoire du vélo. Il rappelle qu'il y avait un réseau vraiment très dense d'aménagements cyclable qui a disparu au fur et à mesure parce qu'il fallait faire de la place pour la voiture. Ce grand boulevard, finalement a été conservé. Nous, le gros grief qu'on fait, c'est plus sur la gestion des feux. C'est un super linéaire de quinze kilomètres qui permet de rejoindre les trois grands pôles de la métropole en passant par des villes denses, parce que ça rejoint Lille, Tourcoing, Roubaix en passant par Marcq-en-Barœul, la Madeleine, des villes d'importances, de plus de dix mille habitants à chaque fois donc ça touche, au bas mot, six cent mille habitants, sept cent mille habitants. Il est, en effet, un peu à l'abandon parce qu'il y a la question de la largeur qui n'est pas toujours respecté. Notamment, quand on voit que les lampadaires ont pu être installés quasiment au milieu de la piste, on se tire les cheveux quand on voit ça. Après au niveau largeur, c'est vrai ça pourrait être amélioré même si la plupart du temps, c'est confortable. Il y a des endroits où c'est un peu contraint, mais la plupart du temps, c'est quand même confortable. Pour nous, c'est vraiment la question des feux de circulation qui pose problème. Typiquement, ça pourrait faire partie de ce que l'on appelle les réseaux express vélo, les autoroutes à vélo comme on les appelle à Copenhague justement. On a plusieurs axes radiaux qui ont permis de relier les banlieues à l'hyper centre de Copenhague avec des ondes vertes pour les vélos, des feux qui sont calculés sur une vitesse moyenne entre quinze et vingt kilomètres par heure, afin de permettre à une personne qui a le premier feu vert d'avoir toute une série de feu vert jusqu'à son arrivée à destination. Ça, typiquement, c'est un aménagement qui pourrait bénéficier de ce genre de service. Mais on est bloqué par des pratiques d'aménageurs qui sont vraiment sur l'idée de prioriser la voiture. Le cycle de feux des cyclistes a été apporté comme ça, comme une pièce rapportée à tout le reste sans être pensé de manière globale. On a calculé, c'est deux minutes trente de rouge pour six secondes de vert, quand c'est vert, parfois, c'est du orange clignotant, ça veut dire qu'on n'a même pas la priorité. Normalement, c'est une piste cyclable qui suit un aménagement prioritaire, ça suit le grand boulevard, on devrait être sur le même cycle de feux que les feux du grand boulevard. En tout cas sur la partie où on n'est pas en mini-tunnel parce qu'il y a des mini-tunnels où il n'y a plus de feux.
Nicolas :
Ils sont ou les mini-tunnels ? Ah si oui oui, je vois.
Sébastien :
Les traversées se font en sous-sol pour aller encore plus vite en voiture donc c'est vrai que typiquement, c'est un aménagement qui ne nécessiterait de pas grand chose pour être de très grande qualité. Reprendre en effet, les racines, ça a été fait il y a quelques années sur la partie, la section tourquennoise, ça n'a pas été fait vers Roubaix. Le grand boulevard, c'est un aménagement qui part en pâte d'oie. On a un tronc commun qui va de Lille à Marcq-en-Barœul et après qui se sépare en deux vers Tourcoing et Roubaix qui sont distantes d'une dizaine de kilomètres l'une de l'autre. L'aménagement permet de rejoindre ces trois villes, et donc la section Marcq-en-Barœul/Roubaix est déplorable en terme de racine par contre ce n'est pas le cas à Tourcoing. Ça l'était il y a quelques années, mais ça avait été refait.
Nicolas :
Ils ont fait quoi du coup ?
Sébastien :
Ils ont refait le revêtement en fait, mais le souci, c'est aussi le type d'arbre, c'est un arbre, enfin les arbres qui sont le long du boulevard là.
Nicolas :
C'est quoi comme type d'arbre ?
Sébastien :
Des platanes.
Nicolas :
Oui, il me semble aussi que ce sont des platanes.
Sébastien :
Ils ont tendance à avoir des racines que l'on dit flottante donc ils vont chercher, les racines se développent en surface alors qu'il faudrait des racines plongeantes.
Nicolas :
Surtout, que dans le sud de la France, les platanes sont utilisés pour stabiliser les bas-côtés.
Sébastien :
En plus, la structure de la route côté voiture, doit être tellement forte que l'arbre se rabat de manière massive sur la piste cyclable parce que ça doit être beaucoup plus léger, vu les traitements qui sont fait habituellement. Mais on a envoyé un dossier à la MEL pour leur rappeler qu'il s'agit des aménagements à refaire. Alors pour le coup, vous disiez, ni fait, ni à faire, je pense que c'est vraiment un aménagement qui peut être d'une très grande qualité, il y a quelques petites touches, mais ce n'est pas grand chose, vraiment clairement par rapport à...
Nicolas :
Mais c'est vrai que les feux, c'est...
Sébastien :
C'est rédhibitoire !
Nicolas :
Mais même, c'est presque dangereux parce qu'au final, on n'attend pas.
Sébastien :
Les cyclistes ne les respectent plus et se mettent en situation de danger, tout à fait. Non, c'est ce que l'on rappelle régulièrement. Là, il y a un travail qui est fait sur le jalonnement, c'est-à-dire les panneaux qui permettent de savoir où on va, quelle commune on traverse, etc... Qui n'était pas du tout fait parce que quand on suit la signalisation routière donc plutôt celle des voitures, on peut faire des gros détours qui sont provoqués par les voies rapides. Souvent, à vélo, quand on choisit le plus direct, ce n'est pas en passant par ces gros détours. Il y a un travail qui est en train d'être fait sur de la signalisation directionnelle qui prend du temps parce que c'est quelque chose de nouveau pour les aménageurs. Dans les années 1980, on a eu un début de politique cyclable au niveau national. Mais c'est pile au moment où on a commencé à travailler sur la décentralisation et ça a été abandonné par les services de l'état et le temps que les collectivités locales reprennent ça, ce n'était pas la priorité. Il y a un gros travail qui est mené. Par rapport à ce qui est fait en terme de piste cyclable, il y a eu un biais qui était très fort dans les années 90, les années 2000. Les aménageurs ne faisaient plus que des bandes cyclables, alors c'est un peu notre faute, la faute du lobby, l'ADAV, notamment. Il y a un moment ou l'aménageur ne pensait que piste cyclable. Mais il y a plein d'endroits qui ne pouvaient pas être équipés parce qu'il n'y avait pas la place. On leur a parlé de la bande cyclable qui nécessite un peu moins de place et qui peut être fait beaucoup plus facilement surtout dans des périodes transitoires où on n'a pas les moyens pour faire toute la route, un trait de peinture suffit surtout quand la largeur est suffisante et finalement, ils en ont fait partout. Mêmes sur des endroits où il y avait des pistes cyclables, les rues ont été refaites parce que ça rentrait dans une planification et une programmation et ils ont remis des bandes cyclables à la place de remettre des pistes cyclables. Ça a été une grosse perte en terme de qualité de service parce que la piste cyclable. Souvent, les aménageurs se fiaient aux questions de sécurité routière et voyaient qu'elle était dangereuse parce qu'elle n'était pas toujours bien pensée. On ne pensait pas à signaler aux automobilistes qu'il fallait qu'ils regardent bien en tournant à droite. Il y avait pas mal de situation de conflit notamment quand le...
Sébastien :
Voilà, quand le cycliste revient sur la chaussée. Comme il est un peu à l'écart avec la piste cyclable, il l'est moins avec la bande, mais finalement, on se rend compte que la bande cyclable a aussi des inconvénients parce qu'on la met le long de stationnement et là, c'est portière de voiture. Finalement la demande populaire, les gens veulent de la piste cyclable. Après, on peut penser que c'est parce qu'ils confondent les deux, les gens ne connaissent pas forcément la différence entre bande cyclable et piste cyclable. Mais la demande elle est vraiment pour un aménagement sécurisant. À raison, parce que quand on regarde les publics qu'on doit toucher, ces publics sont vulnérables. Notamment les enfants qui ne roulent plus à vélo. C'est microscopique, c'est dérisoire, plus aucun enfant ne se déplace à vélo. En tout cas pour le déplacement après pour le loisir, c'est moins vrai. L'éducation nationale a complètement abandonné le truc. Là, la dernière mesure en date, c'est qu'à cause de vigipirate, on ne peut même plus faire de sortie à vélo parce que c'est trop dangereux. On pourrait se retrouver avec des cortèges de vélos qui sont victimes de voiture bélier. Enfin, on tombe sur des choses complètement folles, aberrantes. C'est complètement abandonné, on se retrouve avec des générations qui n'auront jamais fait de vélo en milieu urbain enfin en situation réelle. On n'était déjà pas beaucoup, moins de deux pour-cent alors qu'aux Pays-Bas, ce sont quatre-vingts pour-cent des enfants qui se rendent à l'école à vélo. Ça continue de baisser et ce n'est pas fini. On avait des espoirs au niveau national avec le plan vélo, mais qui est en train d'être enterré complètement. Apparemment, l'éducation nationale freine des quatre fers parce qu'ils ne veulent pas avoir à lancer des nouvelles pédagogies par rapport au vélo. On est prêt à ce que les enfants sachent nager, mais par contre faire du vélo, on abandonne complètement, c'est vraiment détestable. On prend encore des années de retards. Les Pays-Bas qui ont déjà cinquante années d'avance sur nous vont continuer d'avancer, parce qu'ils sont dans un cercle vertueux. Ils voient que ça fonctionne, qu'il y a de plus en plus de gens qui roulent à vélo. Ils mettent les moyens. Le gouvernement néerlandais met cinq cent millions d'euros sur la table tous les ans pour le vélo. En France, on a eu du mal à dépenser rien que cinquante millions pour l'aide à l'achat de vélo à assistance électrique et c'était déjà trop. Il n'y a plus rien qui est mis sur la table, c'est vraiment dérisoire, on est prêt à mettre quatre cent millions pour rénover le réseau routier, mais sinon, rien. Oui, on revient de loin et c'est pour ça qu'on sent que les services avec lesquels on travaille en étroite collaboration, en bonne intelligence, on voit qu'il y a des évolutions. Il y a un schéma cyclable qui a été voté en 2014 qui permet de voir aussi sur le long terme quels sont les objectifs d'aménagements, de réseau. Il y a des choses qui se font au fur et à mesure. On a une carte qui reprend une trentaine de liaisons qui sont elles même découpées en points durs. Les points durs qui sont des endroits un peu problématiques qui sont des franchissements d'autoroute, des franchissements de voie ferrée, des franchissements de voie fluviale, des gros giratoires des choses comme ça. Des endroits où il faut vraiment traiter particulièrement la place du vélo parce qu'elle n'a pas été prise en compte et que c'est très difficile de s'y retrouver. Il y a une cinquantaine de ces points que l'on traite au fur et à mesure. (Le téléphone sonne.) Je réponds ?
Sébastien :
Donc on revient de loin et ça se fait au fur et à mesure parce que c'est toute une culture d’ingénierie qui s'est perdue. On fait des guides avec les différentes collectivités, pas seulement la MEL parce que l'association est régionale. On travaille avec les deux départements, historiquement, on est plus Nord et Pas-de-Calais, avant d'être Haut-de-France. On est encore plutôt sur ces deux départements. On a réalisé des guides, des aménagements, ce que l'on préconise, etc. Pour proposer quelque chose qui soit lisible d'une ville à l'autre. Parce qu'on est quand même dans un milieu assez dense ou chaque collectivité à sa façon de faire, surtout pour le vélo. Il y a des recommandations qui sont publiées par l'état, mais il n'y a rien de vraiment opposable et les gens font un peu comme ils veulent. On est content d'avoir des vade-mecum qui permettent de faire à peu près partout pareil. Il y a certaines collectivités qui sont réticentes à marquer les traversées en vert par exemple. On a eu le cas de photos d'aménagements lillois avec du vert ou les services de l'état voulaient valoriser cet aménagement pour montrer ce qui se faisait et ils avaient effacé le vert sur Photoshop parce que ça ne leur convenait pas. Ils considèrent qu'il n'y a que le blanc et que le vert peut être fait de manière optionnelle. Ils ne veulent pas insister là-dessus. Au contraire, nous, on pense qu'il faut une couleur un peu spécifique pour rappeler qu'il y a des cyclistes qui peuvent passer à ces endroits-là. C'est vrai que les traversées, on aime bien les avoir contigües aux bandes blanches des passages piétons, des passages verts avec des vélos blancs. Ce sont des choses que l'on essaie de normer au niveau régional pour que, pourquoi pas, par la suite, ce soit normé au niveau national. Parce que l'état s'inspire aussi de ce qui se fait et de ce qui marche. Ils ne sont pas complètement idiots non plus. Mais il y a des choses qui sont un peu freinantes. On travaille avec tout ce petit monde de manière à faire avancer les choses. Parfois, on est critique, parce qu'il y a des choses qui selon nous ne vont pas dans le bon sens. Mais on essaie de faire ça de manière diplomate et de ne surtout pas se froisser avec les collectivités, parce qu'une collectivité froissée, c'est dix ans de retard.
Nicolas :
Et puis ce n'est pas, ce n'est pas, travailler en bonne intelligence.
Sébastien :
Parfois, c'est un peu dur. Ce qui ressort beaucoup, et ce qui a notamment été beaucoup souligné dans le cadre du baromètre des villes cyclables qui a été mené par notre fédération, la fédération des usagers de la bicyclette. La FUB qui a lancé en fin d'année dernière un questionnaire dans lequel il y a eu plus de cent mille répondants. Une des choses qui ressort le plus pour les villes des Haut-de-France qu'on noté les cyclistes. C'est la problématique des chantiers. La prise en compte du vélo dans le cadre de chantiers qui n'est pas du tout ou très peu prise en compte. On a très peu d'itinéraires de substitutions qui sont proposés. Les gens sont un peu livrés à eux-mêmes quand ils arrivent sur un secteur en chantier. Alors qu'on sait qu'au Danemark par exemple, depuis vingt ans, quand il y a un chantier. On va regarder comment faire pour faire passer le vélo et puis après, on regardera comment faire passer la voiture. Ici, c'est encore le contraire, même sur des endroits ou la voiture n'est pas du tout la bienvenue. Par exemple dans l'hyper centre, on a eu une rue qui était à double sens cyclable depuis des années, pour une raison de chantier, on a dû intervenir sur la chaussée, elle est repassée à sens unique et les vélos devaient se débrouiller.
Nicolas :
C'était quelle rue ?
Sébastien :
La rue Delesalle, devant la médiathèque Jean Levy !
Nicolas :
Oui, d'accord, je vois très bien !
Sébastien :
Pendant plusieurs mois, elle est restée à sens unique alors que c'est une rue qui est très prise par les vélos, parce qu'elle permet de couper plusieurs quartiers, elle est structurante. Les voitures avaient toujours la possibilité de passer, alors elles n'avaient qu'un sens parce que c'était à sens unique, mais on n'avait pas du tout réfléchi à voir comment intégrer le vélo malgré le chantier. Chose qui aurait pu être faite parce qu'il y avait de la place. Mais simplement ça nécessitait de marquer un peu du jaune pour dire que c'était un itinéraire. On a encore pas mal de cas comme ça, ou le vélo n'est pas pris en compte. C'est assez rageant quand on voit que c'est affiché comme une priorité et dans les faits ce n'est pas toujours le cas.
Nicolas :
Oui et puis de toute façon ça prendra du temps avant qu'il y ait une cohabitation.
Sébastien :
Oui, mais qui s'accompagne quand même beaucoup. Tant que, dans la pratique, on donne la priorité à la voiture, elle la garde cette priorité. L'automobiliste ne la donnera pas de lui-même, à part peut être l'automobiliste qui a déjà pratiqué lui-même. Mais on est sur des pratiques tellement faibles. Peu d'automobilistes ont déjà essayé le vélo en ville et ne se rendent pas compte. Ce qu'on constate au Danemark ou aux Pays-Bas, c'est que la conduite en voiture est tellement contrainte que la plupart des gens ont déjà fait du vélo parce qu'ils ne pouvaient pas faire autrement. Ils ont l'expérience, c'est cette expérience qui manque souvent aux automobilistes français. Ils ne se rendent pas compte dans quelle situation, ils mettent le cycliste quand ils les frôlent, quand ils leur coupent la priorité.
Nicolas :
Quand ils l’engueulent parce qu'ils ont l'impression qu'il prend un sens interdit alors qu'il y a un marquage au sol.
Sébastien :
Quand ils ne mettent pas le clignotant...
Nicolas :
Et qu'ils tournent !
Sébastien :
Qu'ils tournent et que le cycliste se retrouve à devoir s’arrêter et à redémarrer alors qu'il aurait pu continuer enfin des choses comme ça. Quand on n'a pas été cycliste, on ne se rend pas compte de la gêne occasionnée. Mais le réseau routier a mis, enfin là, c'est Frédérique Héran qui le dit, le système voiture a mis 100 ans avant d'être vraiment opérationnel et efficace, ça s'est fait par petit bout. On a l'impression que ça, c'est fait du jour au lendemain quand on voit les autoroutes, quand on voit tout ça, mais ça a pris des années et des années. On le voit bien quand on va un petit peu plus à l'Est de l’Europe où il y a encore des routes qui sont en terre battues, enfin tout n'est pas encore goudronné, ça se fait au fur et à mesure de toutes ses choses-là. Il a fallu 100 ans pour le système voiture, pour avoir des stations services, pour avoir des garages, avoir des plans, des GPS, avoir des routes, une utilisation par panneau directionnelle qui soit bien efficace. Mais ça se fait au fur et à mesure. C'est vrai qu'on est un peu impatient parce qu'on voit le dérèglement climatique et tout ça, on se dit que c'est une urgence, mais ça ne peut pas se faire du jour au lendemain évidemment.
Nicolas :
Quand vous dites les aménageurs, c'est qui ?
Sébastien :
Ce sont les collectivités.
Nicolas :
Oui donc la MEL !
Sébastien :
La MEL, les départements, les villes. Ça a beaucoup évolué ces dernières années quand même, s'est beaucoup amélioré.